- 1. Vérification de qualité du code des WebExtensions chez Mozilla
- 2. Passage au manifest version 3
- 3. Quand il n’y a pas de dates sur les résultats
- 4. 20 nouvelles sources basées sur Scrutari
- 5. Quand on demande trop de résultats
- 6. Peaufinage de code JavaScript : quick-lint-js
- 7. #FixTheWorld : FranceTVInfo
Les choses se sont un peu précipitées fin septembre, avec une série rapprochée de nouvelles versions de Meta-Press.es, sorties pour répondre à l’urgence représentée par la désactivation de Meta-Press.es par Mozilla des suites d’une application automatique de nouvelles règles concernant la qualité du code.
1. Vérification de qualité du code des WebExtensions chez Mozilla
Tout commença par courriel reçu le 17 septembre 2024, me prévenant que Meta-Press.es seraient désactivé du catalogues de WebExtension Addons.Mozilla.org (ou AMO) sous 48h. Tout était présenté comme si j’avais raté un courriel envoyé 15 jours plus tôt à ce même propos (or ça m’arrive rarement de rater un courriel).
1.1. Sources ou instructions manquantes
La raison invoquée pour cette mesure radicale était un manque de sources ou d’instructions sur comment obtenir les sources des dépendances embarquées avec le code de Meta-Press.es.
Lorsqu’on utilise des bibliothèques de fonctions écrites par d’autres et minifiées (pour prendre moins de place) la règle était de fournir un lien vers la source de cette bibliothèque. Alors, depuis 5 ans, je copiais à chaque nouvelle version la liste des dépendances depuis le fichier README du projet dans les Notes adressées aux inspecteurs.
Le message de rejet était présenté dans une interface façon forum de discussion, commençant par leur message de menace.
J’ai donc tenté une réponse :
Bonjour, j’ai fourni les liens vers versions non minifiées des dépendances dans les Notes aux inspecteurs. En ai-je oublié un ?
2024-09-19 15:09
Je n’ai jamais reçu de réponse et Meta-Press.es fut effectivement désactivée le surlendemain. La version incriminée, ainsi que toutes les versions précédentes depuis 5 ans. D’un coup vous n’apparaissez plus dans le moteur de recherche et la page de l’extension est inconnue sur AMO (erreur 404).
1.2. Veuillez fournir l’origine exacte de la version utilisée pour chaque bibliothèque de fonctions
J’ai alors fourni une nouvelle version de Meta-Press.es n’incluant plus de code minifié. J’ai trouvé 14 fichiers JavaScript ou CSS à remplacer par leurs originaux, mis à jour pour l’occasion, à quelque chose malheur est bon). Et puis, un JavaScript libre ne doit pas être minifié…
Mais cette nouvelle version fut elle aussi refusée, avec le même message d’erreur, plus un nouveau ! (ouf)
Sources, specifically Third party library information: Your add-on includes a third-party library. Please provide the origin of the exact library version you were using and make sure you are using an exact copy of the original maintainer’s release version.
Ils réclamaient en fait l’URL exacte des fichiers utilisés comme bibliothèques de fonctions tierces. Pourquoi pas, s’il s’agit de vérifier que la version embarquée dans Meta-Press.es est une copie fidèle de l’originale ça a du sens. Et puis, cette fois j’ai eu droit à un lien vers de la documentation en ligne pour éclairer le problème et me guider vers une solution :
For more information, refer to https://extensionworkshop.com/documentation/publish/third-party-library-usage/
J’ai donc pu produire une nouvelle version de Meta-Press.es ainsi que la bonne liste de liens. On notera au passage que si une bibliothèque de fonction n’est pas directement accessible en ligne, il devient compliqué de l’utiliser dans une extension… il faut bien en passer par là pour vérifier automatiquement le code embarqué et c’est un bon point de savoir qu’il n’y a plus l’ombre d’un code mystérieux sur AMO.
Toutefois, le projet CodeMirror v5 par exemple, réparti son code de développement dans plusieurs centaines de fichiers et compile tout pour produire une archive (.zip) unique contenant le code minifié pour chaque nouvelle version. C’est bien pratique pour lors du développement d’avoir un code bien structuré, et c’est pratique pour les utilisateurs de n’avoir qu’un fichier à intégrer.
Mais bon, dans notre cas, comme en fait CodeMirror v5 utilise aussi des plugins, qui entrainent parfois eux-mêmes des dépendances (pour la coloration syntaxique et/ou la détection des erreurs dans du JSON), la maintenance de l’intégration de CodeMirror a Meta-Press.es a été abandonnée à cette occasion. Les sources ajoutées par les utilisateurs le sont désormais en texte brut dans un textarea standard. Peut être que CodeMirror v6 serait plus pratique à utiliser…
Il fallut donc encore plusieurs heures de travail, hors de tout planning, pour se mettre en conformité. Mais bientôt une nouvelle version de Meta-Press.es était proposée à Mozilla.
1.3. Pas de variables à une seule lettre
Mais ce ne fut toujours pas suffisant et cette version fut elle aussi rejetée. Seule consolation : un nouveau message d’erreur était fourni.
[…]
Your extension contains multiple parts of code with one letter variables, making the code difficult to reviews. As our policies state, that you can read at https://extensionworkshop.com/documentation/publish/add-on-policies/#submission-guidelines, code must be provided in a way that is reviewable
La partie coupée au début correspond au premier paragraphes de message d’erreur répétés encore et toujours en préambule. Puis vint le nouveau message d’erreur, correspondant à une nouvelle règle, étayée par une nouvelle documentation.
Si vous apprenez à coder, vous verrez qu’on utilise souvent une variable nommée simplement « i » comme itérateur dans les boucles for. C’est une convention, issue des notations mathématiques et plutôt pratique à l’usage… mais là non, ce n’est plus possible.
Bon, à vrai dire j’utilisais plusieurs autres variables nommées d’une seule lettre dans le code de Meta-Press.es. En effet, ce qui avait commencé comme des situations claires, contenues dans un seul écran d’affichage, où une variable courte était bien lisible, s’est progressivement répandu dans tout le code, en suivant sa croissance et sa structuration en différents fichiers…
Sans autre consigne et toujours dans l’urgence de la situation, il fut décidé de remplacer toutes les variables nommées d’une seule lettre par de confortables trigrammes (voir des groupes de trigrammes : src
pour une définition de source, src_key
pour la clé d’une définition de source…). Qui aurait été d’humeur a chercher par dichotomie le seuil exact de tolérance de l’algorithme de vérification ?
Habitué à m’adresser à des machines j’en profitai pour accompagner cette nouvelle version de 3 messages expliquant ma démarche… mais, suspens, cette nouvelle version fut refusée !
1.4. L’UTF-16 dans une expression régulière considéré comme une mystification
Au moins, je reçu un nouveau message d’erreur (signe que la précédente réaction avait bien réglé le problème visé) :
Other, specifically Issue not covered by other reasons: As per our Source Code Submission guidelines, the source code code provided must be human readable.
A file subbmitted as part of the source code (js/core/source_fetching.js) is not readable. Please ensure that all files submitted as part of the source code submission are readable.
For more information, please refer to https://extensionworkshop.com/documentation/publish/source-code-submission/
Bon, cette fois ce fut facile, en plus de la documentation pointée ils m’indiquèrent le fichier incriminé. Il ne fut pas long de constater qu’une grosse expression régulière était utilisée dans ce fichier pour découper des textes en mots (en essayant de tenir compte de la ponctuation de toutes les langues supportées par Unicode).
En cherchant une autre approche à ce problème une solution plus simple fut découverte, basées sur les récentes catégories générales (\p{Letter}\p{Number}
) dans les expression régulières Unicode (alors que la précédente solution s’étalait sur 15 lignes de définition de ranges bordés d’UTF-16 dans une expression régulière relativement absconse.
Cette nouvelle version fut postée le 9 octobre alors qu’une conférence de présentation de Meta-Press.es lors de l' OSSym24 était prévue le lendemain. Tant qu’à parler avec un automate, on pourrait au moins espérer qu’il réponde vite… mais cette version 1.8.17.4 n’a finalement été approuvée que le 16 octobre, presqu’un mois après le début des hostilités.
Aucune nouvelle fonctionnalité dans cette histoire, mais objectivement un meilleur code.
2. Passage au manifest version 3
Une autre modification silencieuse arrivée récemment fut la mise à jour de Meta-Press.es vers le manifest version 3.
Il s’agit du fichier manifest.json
qui contient les métadonnées décrivant une WebExtension afin d’expliquer au navigateur web comment la charger. Ce manifeste liste par exemple le nom de l’extension et son icône, quelle est la version présentée, quelles actions elle permet… Si ce n’est pas rempli correctement, le navigateur web ne sait pas comment charger l’extension.
2.1. Adoption, extension, extinction
Fin 2017 quand le développement de Meta-Press.es démarrait vraiment, la version courante utilisable pour ce manifeste était la version 2. Il s’agissait déjà d’un mouvement de conciliation de la part de Mozilla qui adoptait ainsi la norme proposée par Google, abandonnant toutes les précédentes extensions basées sur la technologie XUL. Ils n’ont jamais eu peur de jeter du travail, fusse-t-il bénévole. Après, objectivement, j’étais ravi de m’éviter l’utilisation de la pile logicielle XUL au profit d’une solution un peu plus JavaScriptesque.
5 ans plus tard, en 2022, les principales parties prenantes du JavaScript avaient travaillé à une évolution de cette norme pour permettre de nouveaux usages, simplifier certaines API inutilement complexes et améliorer un peu partout la sécurité. Mais pas seulement.
Appliquant la fameuse méthode de Microsoft pour attaquer les standards ouverts bien établis au profit de ces propres produits commerciaux (Embrace, extend, and extinguish), Google décida d’utiliser cette évolution de la norme des WebExtensions (devenue un standard suite à l’adoption par Firefox) pour améliorer le rendement de son activité commerciale de vendeur de publicité en ligne. En effet, ce qui était proposé n’était rien moins qu’un cadre de développement dans lequel il n’était plus possible de faire tenir un bloqueur de publicité.
C’est assez surprenant quand on sait que la WebExtension la plus utilisée, et de très loin, c’est uBlock Origin, un bloqueur de pub efficace et honnête, adopté par 9 millions d’utilisateurs de Firefox.
Saisissant l’opportunité au vol, Mozilla se remit au travail et élabora un moyen d’accepter le manifest v3 comme imposé par Google, mais en gardant les API nécessaires au fonctionnement d’un bloqueur de pub.
Google a semble-t-il été très déçu, car ils ont tout simplement abandonné leur calendrier de déploiement du manifest version 3 pendant 2 ans. Et ce n’est qu’en 2024 qu’ils se décidèrent à abandonner à Mozilla l’exclusivité d’une fonctionnalité recherchée par des millions d’utilisateurs en annonçant un nouveau calendrier de déploiement du MV3 pour 2024.
À l’heure d’écrire ces lignes, uBlock Origin est toujours fonctionnel dans un Chromium à jour, mais un message annonce que : « Ces extensions ne seront peut-être bientôt plus prises en charge ». Voilà une bonne information, bien fiable et solide comme on est fondé d’en attendre d’une multinationale planétaire dont le chiffre d’affaires dépasse le PIB du Portugal ou de la Roumanie (env. 280 milliards de dollars) et une capitalisation boursière supérieure au PIB du Brésil, ou de la Russie (vers 1500 milliards de dollars).
Puisque Firefox fonctionne désormais aussi avec des WebExtension en manifest version 3, Meta-Press.es a été mise à jour vers cette version, avec l’aide du programme NGI Zero via la NLnet.
2.2. Manifest v2 contre Manifest v3
En l’espèce, pour Meta-Press.es, les différences ne sont pas extraordinaires.
Les précédentes background pages, qui permettaient de laisser un script tourner en arrière plan au lieu de le rattacher forcément à une page web sont remplacés par d’officiels background scripts (sans plus accès aux fonctionnalités d’une page web) côté Firefox et par des service_workers dans Chromium. Dans les deux cas le script en arrière plan se fait suspendre au bout d’un moment s’il n’est pas sollicité. Cela impacte encore actuellement la fonctionnalité de recherches programmées de Meta-Press.es bien que l’API recommandée alarms
soit mise en œuvre.
Autre point, les permissions réclamables par la WebExtension ont été revues et l’opportunité en fut saisie pour déclarer une liste exhaustive des sources connues par Meta-Press.es directement dans le manifeste ce qui évite d’avoir à demander ces permissions après l’installation de l’extension. Toutefois, la permission optionnelle <all_urls>
a du être conservée afin de permettre aux utilisateurs d’ajouter eux-mêmes leurs sources à Meta-Press.es.
3. Quand il n’y a pas de dates sur les résultats
Ce qui fait qu’un moteur de recherche est intégrable comme source dans Meta-Press.es, c’est la présence de dates permettant de trier ses résultats. C’est l’éternelle quête de Meta-Press.es : peut-on récupérer cette métadonnée ?
En s’appuyant sur ce modèle, Meta-Press.es a déjà pu étendre, sans changement d’architecture, son rayon d’action des articles de presse aux podcasts et aux vidéos, puis aux agendas et dernièrement aux offres d’emploi.
Mais il y a malheureusement plein de journaux légitimes qui ne peuvent pas être ajoutés à Meta-Press.es car ils ne présentent pas de date sur leurs résultats de recherche.
Dans un précédent billet de blog, il avait été question du cas de la La Charente Libre pour laquelle il fut possible de faire apparaitre les dates en demandant à trier les résultats par ordre chronologique… mais ce n’était qu’un coup de chance.
Voici une autre astuce, utilisées pour des sources comme RadioClassique.fr ou VoxEurope.eu. Elle ne concerne que les sources présentant des résultats illustrés. Ces illustrations sont souvent mises en ligne spécifiquement pour un article donné, et ce, le jour de sa publication. De plus, il arrive que ces illustrations soient rangées par un dossier par année, dans lequel on retrouve un dossier par mois contenant un dossier par jour (c’est notamment le cas pour certaines configurations de WordPress).
Dans cette situation, il est tout simplement possible de diriger les ciseaux d’argent de Meta-Press.es vers l’URL de cette illustration (via un sélecteur CSS) et d’en extraire la date à l’aide d’une expression régulière. Et voilà !
Demander aux sources d’améliorer la présentation de leur résultats ne donne pas souvent de résultat… au contraire, Meta-Press.es fonctionne aujourd’hui avec un millier de sources parce qu’il n’y a aucune permission à demander. Meta-Press.es fonctionne malgré les sources, et parfois même malgré les sources qui cachent les dates de leurs résultats.
4. 20 nouvelles sources basées sur Scrutari
Tant qu’on parle de sources, cette nouvelle version apporte son lot de nouveautés. Par exemple une vingtaine de sources ont été ajoutées à Meta-Press.es en provenance des médias utilisateurs du moteur de recherche Scrutari.
Scrutari est un moteur de recherche en logiciel libre. Ce dernier collecte les méta-données présentées par ses utilisateurs, s’arrange pour les indexer puis fourni une interface web riche permettant des recherches avancées à travers ces contenus.
Ce fut un plaisir de travailler avec le développeur de Scrutari qui implémenta un profil de présentation des données exprès pour Meta-Press.es. C’est l’exacte opposée de la situation précédente où les développeurs de Meta-Press.es doivent se tordre les boyaux de la tête pour rassembler toutes les informations nécessaires. Ici, Meta-Press.es bénéficie de sa porte d’entrée personnelle dans l’API JSON de Scrutari.
De plus, ces nouvelles sources ouvrent sur rien moins que 70 000 documents, rassemblés au sein de l’initiative Coredem.info (qui rassemble 40 entités).
5. Quand on demande trop de résultats
Certaines sources permettent de choisir le nombre de résultats qu’on souhaite recevoir pour une recherche. On trouve généralement des valeurs entre 10 et 30.
Des tests ont récemment été conduits avec une demande de 999 résultats et devinez quoi : ça casse un paquet de sources.
Pour faire face à cette question il est désormais possible de spécifier, dans la définition d’une source, le nombre de maximum de résultats qu’elle accepte de renvoyer. Par exemple Reuters accepte de renvoyer au maximum 99 résultats, donc son URL de recherche comporte désormais un jeton {<100}
à la place du nombre de résultats demandés, de manière à indiquer à Meta-Press.es de ne pas aller au delà, même si l’utilisateur en demande des milliers.
Travailler sur ce sujet a mis en lumière une variété de situations avec par exemple Der Spiegel limité à {<51}
, FAZ.net à {<101}
ou MediHAL / Archives-Ouvertes.fr qui n’accepte que trois valeurs : 30, 50 ou 100.
6. Peaufinage de code JavaScript : quick-lint-js
Après avoir encore perdu des heures à tenter de faire fonctionner ESlint malgré son changement de paradigme pour les fichiers de configuration (désormais à base de flat-file), une recherche d’alternatives fut lancée. Elle a abouti à l’utilisation de quick-lint-js.
C’est une solution mature et largement packagée. Elle tombe directement en marche (zero configuration) et est agréablement rapide à l’usage (clamant d’être 90x plus rapide qu’ESlint).
quick-lint-js
s’est révélé être un bon outil et non un problème de plus à gérer.
7. #FixTheWorld : FranceTVInfo
Pour finir, voici un petit appel à action.
FranceTVInfo est une importante source d’information en France. Elle a débuté en tant que radio d’état avec de l’info en continu (et en boucle), puis a été transformée en chaîne de TV (pour participer à ce bas fond du journalisme qu’on nomme les chaînes d’actualité en continu) et en site web.
C’est l’organe de propagande par excellence de l’état français. Mais il n’est pas possible de l’intégrer à Meta-Press.es car il n’y a pas de date sur ces résultats de recherche.
Si vous, qui me lisez, vous pouvez murmurer aux bonnes oreilles, ça ne serait pas du luxe pour France Info d’avoir des dates sur ses résultats de recherche…
Il y a plein d’autre missions qui ont été listées avec le mot-dièse : #FixTheWorld émis par le compte Mastodon officiel @MetaPress.
Par exemple, Mediapart ne peut toujours pas fournir de résultats exacts (ni les fournir au format RSS).
C’est à votre tour de jouer !